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Zéro artificialisation nette : une mise en œuvre qui fait débat
Un débat a eu lieu au Sénat le jeudi 18 janvier 2024 au sujet du zéro artificialisation nette (ZAN). De nombreuses questions ont été soulevées auprès du ministre de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique, Christophe Béchu.
Lors de la séance du jeudi 18 janvier 2024 au Sénat, un débat a été mené en présence du ministre de la Cohésion des territoires et de la Transition écologique Christophe Béchu, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux. Ce débat a été lancé par le groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste – Kanaky, représenté par Cécile Cukierman.
Manque d’ingénierie, moyens financiers insuffisants… De nombreux points sont abordés par les sénateurs
La sénatrice a ainsi relayé les inquiétudes des élus locaux quant à la complexité du ZAN :
- Elle dénonce le manque d’ingénierie des communes rurales : « Ne laissons pas croire qu'il y aurait une France à deux vitesses : la France urbaine, dotée d’une ingénierie suffisante, que la France rurale n’a pas » ;
- Elle indique que les maires attendent de l’ingénierie et des moyens pour mettre en œuvre les objectifs. Elle demande également de la place pour les communes et intercommunalités, en leur laissant « le droit de décider, d’aménager, d’ajuster et pas seulement de subir des directives venues de Paris sans prise en compte des réalités du terrain » ;
Plusieurs sénateurs ont alors pris la parole, posant plusieurs questions et soulignant les flous du dispositif. Parmi les points qui ont été abordés, on peut citer :
- Bernard Pillefer, du groupe Union Centriste se demande quel sera le calendrier de la clause de revoyure et si elle sera territorialisée, si la nomenclature des surfaces artificialisées sera également révisée. En effet, le statut des exploitations agricoles reste flou. Le sénateur dénonce également un manque d’outils fiscaux pour financer le ZAN. Les ressources locales suivent une tendance baissière alors que de nouvelles compétences leur sont attribuées : « La politique ZAN a un coût, qui mettra la main au portefeuille ? ».
- Christian Bilhac pour le groupe du Rassemblement démocratique, social et européen pose 2 questions :
- Quelle réponse apportez-vous pour la construction de bâtiments agricoles ?
- Quand sera publié le décret portant sur la garantie d’un hectare ?
- Guislain Cambier (Nord) souligne également que la garantie rurale est source d’incompréhensions et doit être éclaircie, et notamment sa mutualisation au niveau de l’EPCI. Il dénonce également l’insuffisance du fonds vert pour financer la reconversion des friches.
Christophe Béchu prévoit un atelier au sujet de la garantie rurale
Christophe Béchu a défendu les objectifs du ZAN mais indique également qu’il reste encore beaucoup à faire et à ajuster. Une liste de 150 projets d'envergure nationale ou européenne (pour lesquels un forfait a été voté à 12 500 hectares pour 2021-2031) a été transmise aux régions fin décembre : « Certains projets ne seront pas finis à cette date, comme les EPR : ils compteront pour zéro », a précisé le ministre. Sur la première catégorie - celle des projets achevés d'ici à 2031 - les données tiennent compte « de l'emprise de l'ouvrage et non celle du chantier, s’il est rendu à la nature ». « Ces listes seront révisables tous les ans ». A noter que le ministre prévoit aussi son prochain atelier en Normandie ou dans la Manche afin d’aborder le sujet de la garantie rurale, car pour certains territoires, la somme des garanties communales peut poser des problèmes.
Pour visualiser le débat, cliquez ici.
Le développement des entrepôts logistiques doit être contrôlé
En parallèle de ce débat, et en matière d’artificialisation des sols, on ne peut que s’inquiéter de l’étalement des entrepôts logistiques. La croissance du commerce électronique et les promesses de livraison en 24h sont autant de facteurs au développement d’entrepôts XXL … Ainsi, un rapport d’information a été déposé par Charles Fournier (député Indre-et-Loire) et Sandra Marsaud (député Charente) en décembre 2023, incluant plusieurs propositions pour en limiter les conséquences comme :
- Maintenir le statu quo en matière d’exonérations fiscales pour les entrepôts, le temps d’une réflexion sur les différents outils et leur visée incitative,
- Encadrer ou interdire les pratiques de livraison au consommateur final en 24 heures, avec la mise en œuvre de dérogations spécifiques pour les médicaments et autres biens de première nécessité
De nombreuses autres recommandations ont été faites lors de la remise de ce rapport. Pour le visualiser, cliquez ici.
Une étude confirme la difficile mise en application de la ZAN
Enfin, une étude de la SCET publiée récemment confirme la difficile mise en œuvre de la loi. L’organisme a interrogé 366 dirigeants entre juillet et octobre 2023 (collectivités, EPL, acteurs de l’immobilier). Ainsi, la prise de conscience des enjeux liés au zéro artificialisation nette (ZAN) est réelle mais surtout, ils ne sont pas encore outillés pour en décliner la mise en œuvre. 74 % des dirigeants interrogés indiquent avoir engagé des réflexions ou mesures concrètes pour décliner la mise en œuvre du ZAN. Parmi les freins cités : la difficile soutenabilité financière des opérations d’aménagement, les tensions politiques entre territoires ou à l’intérieur des territoires et dans une moindre mesure l’acceptabilité du ZAN par la population. L’étude est accessible via ce lien.
Cindy EMOND