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Intelligence économique des territoires : les entretiens du CNER

A la suite de la parution de notre ouvrage sur l'intelligence économique des territoires, découvrez notre série d'entretiens avec des experts de l'intelligence économique

Intelligence économique des territoires : les entretiens du CNER


En février dernier, le CNER publiait Intelligence économique des territoires - théories et pratiques, en partenariat avec SVP Intelligence et la Caisse des Dépôts, à retrouver dans nos publications.

 

Afin de poursuivre le débat sur les enjeux de l'intelligence économique dans les territoires, nous laissons la parole à une série d'experts français et internationaux sur le sujet. Pour notre premier épisode, découvrez notre entretien avec Boubacar Traoré, spécialiste d'intelligence économique au Burkina Faso.

 

 

Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Je suis statisticien-économiste, spécialisé en intelligence économique et accrédité en management de projets de développement international. Je suis Secrétaire général de la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso (MEBF) depuis mars 2012.

Avant d’intégrer la MEBF, j’ai passé douze ans à la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) où j’ai occupé différents postes de responsabilité dont celui de Directeur de la prospective et de l’intelligence économique, Directeur chargé de missions et Chef de service des études et de l’information. De 1993 à 1999, j’ai été successivement Administrateur du réseau informatique, puis Contrôleur budgétaire de la Manufacture burkinabè de cigarettes (MABUCIG).

 

Vous êtes l’un des fondateurs de « RIC » (Réseau d’Intelligence Collective), un projet d’envergure alliant plusieurs CCI en Afrique et en France. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Le RIC est un projet de partenariat pour le développement de l’intelligence économique (IE). Nous l’avons initié en 2010 à la CCI du Burkina Faso, en y associant deux CCI africaines (Mali et Togo) et celle de Marseille-Provence pour l’assistance technique. Il avait pour but de vulgariser le concept et la démarche de l’IE dans nos territoires, à travers le développement de la culture de réseau et du partage d’information.

 

La démarche a consisté en quatre étapes :

 

  • Mise en place et animation du réseau ;
  • Appropriation des concepts et mise en place des outils ;
  • Sélection et sensibilisation des entreprises ;
  • Production de livrables de veille, accompagnement des entreprises et lobbying institutionnel.

 

Après 18 mois de mise en œuvre, les principaux résultats sont :

 

  • 45 prestations de veille réalisées dans les 3 pays ;
  • 15 prestataires de services formés en intelligence économique et sur la prestation de veille et la prestation de mise en place d’un système de veille ;
  • Développement d’une plateforme de veille ;
  • 3 études nationales réalisées sur les pratiques de veille dans les PME et 1 étude régionale dans 8 pays ;
  • Tenue d’un colloque international sur l’IE avec 200 participants.

 

Mondialisation, transition numérique, ... l’intelligence économique a connu de grands bouleversements depuis ses débuts. Aujourd’hui, quels en sont à vos yeux les enjeux principaux ?

Il est vrai que la mondialisation, la transition numérique et, aujourd’hui, l’intelligence artificielle dont on parle de plus en plus fréquemment même si l’apparition remonte aux années 1950, ont bouleversé nos habitudes et pratiques. Dans ce contexte, beaucoup de métiers se sont ajustés en conséquence. Et c’est le cas de l’IE qui a connu de profondes évolutions depuis ses débuts. Mais d’un autre côté, on note que l’IE a constitué un puissant catalyseur de tous ces bouleversements. En effet, les têtes de proue de la pratique de l’IE ont utilisé les techniques et les outils qu’elle offre pour anticiper certaines évolutions et innover. Aujourd’hui les principaux enjeux de l’IE, du moins pour un pays comme le mien, portent sur l’anticipation et la recherche de solutions aux problèmes de développement, dans un contexte marqué par la complexité, l’incertitude et l’apparition de nouvelles générations de guerre au sens propre comme au sens figuré. Comme partout ailleurs, l’IE doit nous permettre de rendre simple ce qui est complexe.

 

 

Comme partout ailleurs, l’IE doit nous permettre de rendre simple ce qui est complexe

Boubacar Traoré

Quels sont les territoires ou pays faisant figure de « bons élèves » en matière d’intelligence économique selon vous ?

En matière d’IE, les pratiques diffèrent d’un pays à l’autre. Tout dépend de la grille de lecture que nous utilisons. Je note qu’il y a des pays où les pratiques sont moins formalisées autour d’une politique publique d’IE, mais où l’on note des résultats tangibles de la pratique de l’IE en termes d’innovation, de compétitivité de l’économie et de protection du patrimoine national. C’est le cas du Japon dont les méthodes doivent nous inspirer. Au-delà d’un simple classement, je pense que le plus important est de faire en sorte que nos pratiques donnent des résultats tangibles. De ce point de vue, l’intervention du pouvoir public à travers des incitations à adopter des comportements conformes aux pratiques de l’IE me paraît indispensable.

 

Propos recueillis par Noémie Condomines