Actualités du CNER
Agences de développement économique : de fortes disparités dans le monde
Confrontées à des contraintes similaires (réduction de leurs ressources, crise économique, mutation rapide des entreprises et de leurs besoins), les agences de développement des pays de l’OCDE doivent repenser leur organisation interne, leurs métiers et leurs modes d’actions. Le CNER organisait le 18 juin dernier un séminaire afin de comparer leurs réponses à ces nouveaux défis, et d’étudier celles qui sont envisagées, leurs atouts, leurs inconvénients.
Les interventions ont permis de mettre en lumière la diversité d’organisation des agences selon les territoires, mais aussi de déceler des pistes d’évolutions possibles pour les agences françaises.
Italie, Québec: deux systèmes très différents
En Emilie Romagne, ERVET a pour principal « client » le conseil régional. Entièrement financée par la région, l’agence régionale de développement ne travaille pas en direct avec les entreprises, mais a pour principale mission d’élaborer la politique régionale en matière de développement économique. Elle a aussi un rôle de conseil, d’évaluation, et de mise en œuvre de projets pilotes. Selon Roberta Dall’Ollio, responsable des relations européennes et internationales d’ERVET, le contexte de crise a fait émerger de nouveaux secteurs prioritaires pour l’agence, notamment l’économie sociale et solidaire et l’économie verte.
L’action d’ERVET est complétée par des agences « départementales », qui gèrent le financement de la politique de cohésion et les zones d’activité. Des centres de services aux entreprises organisés par filière (textile, construction…) et des centres d’appui aux entreprises créés par les fédérations patronales complètent ce dispositif.
Cette organisation n’est pas sans comporter quelques lacunes : l’internationalisation des entreprises de la région et l’attraction d’investisseurs étrangers sont partagées par de multiples acteurs, ce qui entraîne redondances et confusions.
Il est à noter que chaque région italienne a été libre de choisir son mode d’organisation. Ainsi, en Umbrie, toutes les agences financées par la région (innovation, développement économique, emploi, etc.) sont réunies sous une seule entité.
Au Québec, l’agence provinciale, Invest in Quebec, est placée sous l’autorité directe du ministère de l’Economie, de l’Investissement et de l’Innovation. Autre grande différence avec la situation française : Invest in Quebec, sorte d’équivalent de l’AFII, est la principale banque d’affaires des PME québécoises, et gère plus de 9 milliards de dollars canadiens d’actifs. Il existe dans chacune des trente intercommunalités de la province un centre local de développement chargé d’aider les PME locales.
Des mutations profondes ces dernières années
Ces deux éclairages territoriaux ont été complétés par les interventions de Laurent Sansoucy, directeur d’OCO consulting Paris, et Debra Mountford, analyste principale des politiques du programme LEED-OCDE.
Cette dernière a présenté les grandes lignes de l’enquête LEED-OCDE sur les différents modèles d’agences de développement à travers le monde.
Laurent Sansoucy a souligné les changements radicaux qu’ont connus les agences de développement européennes et nord-américaines ces dernières années, confrontées à de nouvelles demandes de la part des entreprises. Historiquement créées pour répondre à des projets industriels, avec l’objectif de trouver un site physique, des aides et des services d’accompagnement, les agences doivent en effet aujourd’hui traiter une part grandissante de projets tertiaires immatériels. En conséquence, leur métier évolue profondément : il ne s’agit plus tant de trouver un site d’implantation pour les projets que de parvenir à les intégrer dans le système productif local.
Par ailleurs, la crise des finances publiques qui sévit depuis 2008 a eu d’importants effets sur les agences de développement, dont le périmètre d’activité s’est souvent trouvé modifié. On constate par exemple une augmentation des externalisations, comme en témoigne la disparition des agences régionales de développement au Royaume-Uni en 2010, et la prise en charge du traitement des projets d’investissement par une structure privée. Dans le même esprit, le besoin de diversification des sources de financement se traduit, en particulier dans les pays anglo-saxons, par un recours croissant aux entreprises. Exemple frappant : une agence américaine est entièrement financée sur fonds privés, avec un ticket d’entrée à 500 000 dollars.
Les enseignements de ce séminaire seront fort utiles pour l'étude sur l'évolution de l'action économique des collectivités et des agences de développement menée par le CNER, Katalyse, et SNCF développement, et dont les résultats seront dévoilés au prochain congrès du CNER.