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Quel impact de la fusion Suez-Veolia pour les territoires ? (2/2)

Retrouvez la suite de l'interview exclusive d'Olivier Brousse, directeur de la stratégie et de l’innovation et membre du Comex de Veolia, qui revient sur cette fusion qui a fait couler beaucoup d’encre.

Quel impact de la fusion Suez-Veolia pour les territoires ? (2/2)


Retrouvez la première partie de cette interview exclusive en cliquant ici

Cnerinfo : Pour Antoine Frérot, ce projet bénéficiera à l'emploi, à l'attractivité mais aussi aux innovations et expérimentations sur nos territoires. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Tout le monde nous parle des fusions industrielles (Alstom, etc.). Mais dans une entreprise de service, la situation est très différente ! Il n'y a pas ou peu de productivité dans les fusions d'entreprises de services de proximité. Il y aura toujours besoin du même nombre de personnes pour collecter ou trier les déchets, ou pour faire tourner une usine d’eau. Les emplois sont locaux et attachés aux contrats.

 

« L’emploi n’est pas une victime de cette affaire »

Olivier Brousse

 

Enfin, il y a des tendances de fonds favorables à l'emploi local. Le recyclage des déchets va encore beaucoup se développer ; c'est une activité structurellement créatrice d'emploi. Quand on passe d'une gestion par enfouissement dans une décharge à une gestion par tri et revalorisation, le besoin en emploi qualifié est multiplié par 8 ! Plus on va aller vers le tri des plastiques, le recyclage des batteries, la production d’engrais organiques ou même l'agriculture de précision, plus on va créer de nouveaux emplois. L'emploi ne sera pas une victime de cette affaire ce sera même un bénéficiaire.

Cnerinfo : Veolia estime également que cette fusion permettra de « créer d’importantes chaînes de valeur multi-locales » …

 Prenons le futur marché du recyclage des batteries. Nous savons que la transition énergétique nécessitera des terres rares (cobalt, nickel, lithium, etc.), que nous ne maîtrisons pas en Europe. Cela pose des questions de souveraineté et d'accès au marché. Si demain se crée une « OPEP des terres rares », une organisation de producteurs du lithium ou autre, en mesure d'imposer un doublement des prix de ces matières, nous courrons le risque de crises du même ordre que celle provoquée en 1973 par le premier choc pétrolier. Une solution pour éviter cela réside dans le recyclage des batteries : ne plus voir les batteries comme des déchets mais plutôt comme des ressources. S'il y a des « méga-usines » de batteries – on en entend beaucoup parler actuellement –, il y aura des méga-usines de recyclage de celles-ci. Et probablement un jour une filière française ou européenne du cobalt ou du lithium. Dans notre jargon nous appelons cela des « mines urbaines ». Un concept de transformation écologique mais aussi parfois de souveraineté nationale.

 

Pour cela, il faut de la collecte locale – une opération délicate car une batterie est un objet dangereux (qui prend feu, qui continue à produire du courant électrique, qui contient des substances toxiques). Ensuite, il faut les faire converger vers une usine de recyclage qui extraiera et raffinera des métaux qui pourront être réinsérés dans d'autres usines de fabrication. On crée donc une chaîne de valeur en collectant le gisement, en le massifiant et en le traitant.

 

Même chose pour le PET (plastique des bouteilles). Les grands industriels agro alimentaires (comme Danone ou Nestlé) se sont engagés dans l'usage de résines recyclées à la place du PET. Mais cela nécessite une filière de recyclage de ce PET. De nouveau, il va falloir collecter, massifier, transformer.

 

« Nous pourrons retrouver une souveraineté reposant sur le local »

Olivier Brousse

 

Dans tous ces cas, on voit qu'il y a besoin d'un effet de réseau et un effet de taille. Cette chaîne de valeur repose donc nécessairement sur une démarche multi-locale.

Cnerinfo : Vous souhaitez ouvrir une « École européenne de la transformation écologique ». De quoi s'agit-il ? quelles perspectives pour les territoires ?

Nous avons besoin de qualifications qui n'existent pas encore ou qui ne sont pas disponibles en nombre suffisant. Pour reprendre l'exemple des batteries, leur recyclage se fait par des opérations – le démantèlement, l'hydrométallurgie le raffinage –, précises, complexes. Le jour où l’on va créer des méga-usines de recyclage batteries, si nous n’avons pas d’agents qualifiés, nous serons démunis.

 

Autre exemple : la réglementation européenne va imposer l'utilisation d'engrais organiques (et plus seulement minéraux) à hauteur de 25% d'ici 2030. La production de ces engrais n’est aujourd’hui pas suffisante pour répondre à la future demande. Veolia produit de tels engrais organiques depuis de nombreuses années notamment à partir du compostage, il va falloir maintenant industrialiser le processus de production. Ce sont donc de nouvelles compétences qui demain vont créer des emplois qualifiés, structurellement pérennes au regard des besoins de long terme. Même chose pour le recyclage des plastiques ou d’autres filières de l’économie circulaire.

 

Nous voulons donc investir massivement sur cette école qui, demain, va nous apporter les experts, les techniciens qui iront délivrer le service auprès des clients locaux. La transformation écologique, c’est aussi un formidable gisement des fameux « emplois verts ».

 

« Il va nous falloir réfléchir où positionner ces lieux de formation »

Olivier Brousse

 

Reste à savoir comment nous répartirons nos outils de formations sur les territoires pour délivrer ces formations localement. Historiquement, nous avions de gros centres de formation en Ile-de-France, à Lyon. A l’avenir nous aurons aussi le renfort des nouvelles techniques de formation à distance pour diffuser ces formations au plus près des besoins.

 

Avec la R&D, cette école de formation est notre 2nd moteur, sur le modèle de ce que l'on a fait au XIXe et XXe siècle avec les techniciens de l'eau. Aujourd'hui, les meilleurs experts de l'eau viennent de l’École Française de l’Eau. A nous de contribuer à l’émergence de l’École Française de la Transformation Écologique, et d’en faire bénéficier tous les français qui rêvent de métiers au service de la planète.

Cnerinfo : un dernier mot ?

N’oublions pas nos PME. Nous travaillons à détecter les PME qui peuvent contribuer à solutionner les problèmes environnementaux et utiliser Veolia comme un « porte-avions » qui les emmène sur nos marchés en France et à l'étranger. En échange de leurs innovations, nous leur donnons accès à nos contrats internationaux, on facilite leur exportation. L'idée, c'est « Vous nous aidez à trouver des solutions, on vous ouvre les marchés ».

 

Ce qu'il reste à développer, c'est la manière de travailler avec les PME pour leur expliquer nos besoins, qu'elles nous aident à y répondre et on les aidera à aller vendre leurs innovations aux États-Unis, en Europe de l'Est, etc., grâce à notre réseau dans plus de 50 pays. Ce ne sont pas tant des financements qui sont attendus par les PME que des ouvertures de marché. Il y a là un véritable gisement de valeur. L’école Française de la Transformation Écologique c’est aussi avec elles que nous souhaitons la construire et la faire rayonner.

 

Au final, notre projet de constituer un champion mondial, français, de la Transformation Écologique doit bénéficier à toutes nos parties prenantes. Et s’attaquer tous ensemble à la résolution des grands défis climatiques et environnementaux de notre siècle.

 

 

Propos recueillis par Antoine Angeard